L’identité comme la suprême beauté des photographies de Nath Sakura appellent le scandale radieux de la transsexualité. Ce travail artistique est avant tout lié à une idée d’altérité contre la dissemblance qui peut s’éprouver en tant que mal(e) premier. En perdurant il se serait enfoncé dans un genre qui n’était pas le bon. L’œuvre évoque le mystère de la chair et de la résurrection des morts. Le corps semé méprisable ressuscite glorieux. Entré dans le monde physique de manière douteuse en changeant de nature il transforme l’éclat de son soleil noir en celui d’une étoile autrement lumineuse par effet de délivrance.
Le décor a enfin tourné. Nath Sakura illustre dans ces images que franchir ce seuil revient à exister. Passer la frontière c’est dire j’existe, donne à l’autre qui est soi son existence. Assumer une telle traversée n’est pas simple mais elle extrait de la pure illusion comme de l’errance et de la répétition. C’est accepter la perte, c’est regarder du côté de l’autre en soi et d’en accepter le risque. C’est pourquoi les photographies de Nath Sakura sont majeures : elle possèdent le pouvoir mystérieux de transformer le corps physique, vulgaire, en corps qui porte et supporte le mystère. Elles multiplient le réseau du mystère de l’Incarnation féminine afin de rappeler l’homme aux choses spirituelles par le mystère de son corps. Elle permet plus profondément encore de distinguer ce qui est féminité et ce qui est Femme. Elle introduit la mutation de la mutation. C’est une boucle, un échange entre l’art et le corps. Un va-et-vient exigeant dans lequel le chemin à parcourir est immense. Car imaginer n’est jamais restreindre mais développer la fièvre d’une aurore à venir. Pour le regardeur lui-même cette contemplation n’est pas forcément « donnée » tant la culture des bornes de l’inconscient fait des siennes.
Jean-Paul Gavard-Perret
Source : http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/arts/content/1854478-nath-sakura-erotique-de-la-traversee