On m’a demandé récemment d’expliquer ce qui se cachait derrière ma photographie intitulée « La nuit hallucinée », avec la splendide Electroclash. Alors je m’y colle.
Réalisée en 2007, on aura évidemment d’abord vu le clin d’oeil à la Latrodectus mactans, la célèbre veuve noire (une photo sera plus explicite), cette araignée tellement venimeuse qu’elle foudroie un homme en quelques secondes. Et dont le nom vient du fait que la femelle mange le mâle après l’accouplement…
On comprend évidemment dans quelle direction le discours de cette photo va se positionner.
J’avais trouvé le serre-taille exactement adapté à la tenue que je préconisais pour le modèle, avec le dessin en forme de sablier rouge vif, parfaitement symétrique, situé l’abdomen d’un noir brillant de ces femelles araignées. Par ailleurs, un voile de tulle noir, qui part du bas de la jambe droite, remonte le long de la main, passe sur la tête et se termine par un trait horizontal sur le côté droit de l’image. Il fait évidemment référence aux soies de l’arachnide, sa « toile ». Noire pour rester dans la symbolique de la « veuve ».
Selon Wikipedia, les principaux symptômes d’une piqûre de cette araignée sont des troubles neurovégétatifs (variations de la température, transpiration et sueurs froides, pression artérielle) et des troubles psychiques (état d’anxiété intense). Une façon très « clinique » d’évoquer un coup de foudre, non ?
Car c’est d’un coup de foudre que je parle. D’un coup de foudre fatal. Le masque à gaz, équipé de sa cartouche, est évidemment destiné au mâle que le modèle regarde, hors-champ. Ou au spectateur. Et l’invite à s’équiper, pour entrer dans une « zone dangereuse ». Qui a porté ce genre d’équipement n’ignore pas que sa respiration va devenir difficile et que très probablement sa vision va s’obscurcir, la vapeur d’eau de la respiration s’échappant toujours un peu dans l’intérieur de la visière. Respirer mal et avoir la vue brouillée, ça aussi ça doit évoquer quelque chose pour vous…
Ajoutée au délire provoqué par le venin, nul doute qu’une nuit hallucinée s’annonce.
En effet, si on quitte les détails de l’image, pour la regarder dans sa totalité, une impression supplémentaire doit surgir, même si la construction géométrique de l’image est faite pour le regard revienne sans arrêt sur le visage du modèle. Le mur vert (le vert, s’il est la couleur du printemps, est aussi celui, en intérieur, des lampes d’autopsie), le trou béant à gauche, l’ombre menaçante derrière le modèle (les boucles sur la botte apparaissent infiniment plus cruels dans l’ombre, et le travail de la lumière fait disparaître le haut de l’ombre, comme s’il n’y avait pas de tête), les croisements à angle droit des trainées sur le mur par rapport à la lumière incidente et au voile, tout y parle de danger, de souffrance et de mort.